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Diamonds are forever...

29-03-2009

Pourquoi, fin de l’an dernier, étions-nous plus de 118 000 amateurs d'art à faire la file pendant des heures au Rijksmuseum d’Amsterdam pour apercevoir l'œuvre d'art la plus discutée du début de ce millénaire ?

« For the Love of God » a déchaîné de violentes réactions.

Les fanatiques en ont loué le ciel, en y voyant un chef-d'œuvre, jusque là jamais égalé.

Les opposants blâment avec dédain ce crâne de diamants en le qualifiant de kitsch. Ils méprisent l'approche commerciale de Damien Hirst.

Le crâne est-il vraiment de l’art, réalisé par un artiste honnête et de succès, ou s'agit-il d’une forme brillante de manipulation ? Ou les deux suppositions sont-elles plausibles ?

« For the Love of God » (2007) est le moule en platine d’un crâne d’un homme inconnu de 35 ans du 18e siècle. Le crâne, qui semble se moquer du spectateur, est recouvert de 8 601 diamants d’une grande pureté. Hirst a confié cette tâche à Bentley & Skinner, un bijoutier londonien de renom. Le grand diamant rose au centre du front, le « Skull Star diamond », est un diamant de 52,4 carats. Les coûts de production s’élèvent à plus de 15 millions d’euros et l'œuvre d'art serait vendue au prix de 62,5 millions d’euros à un « groupe d’investisseurs ». Mais on en doute : Damien Hirst ferait lui-même partie de ce groupe.

Le titre de l'œuvre est tiré d’une affirmation de la mère de Hirst : « For the love of God, what are you going to do next ? »

Dès son plus jeune âge, Damien Hirst (1965) s’occupait déjà d’art. Il a étudié aux écoles des beaux arts de Leeds et de Londres et, dans les années 1990, faisait partie d’un groupe de jeunes artistes britanniques, les « Young British Artists ».

La mort est un thème récurrent de son œuvre. Ainsi, le jeune étudiant Hirst se rendait souvent à la morgue pour réaliser avec d’autres étudiants des études et dessins anatomiques. De cette période, nous connaissons les photos sur lesquelles Damien Hirst pose avec une affreuse tête décapitée. Son intérêt pour la confrontation à la vie et la mort s'est ensuite traduit dans une série d'œuvres d’art représentant des animaux morts, œuvres qui rendront Hirst célèbre.

« A Thousand Years » (1990) est une installation telle que le spectateur est cruellement confronté à la mort. Une tête de vache en putréfaction et assaillie d’un essaim de mouches. Dans un cube de verre, les asticots voient le jour et les mouches se nourrissent du sang de la tête en décomposition. Au final, les mouches perdent la vie d’une mort naturelle ou en entrant en contact avec un « insect-o-cuteur ». « Tout le cycle de la vie est ainsi renfermé dans un cube de verre » indique Hirst.

Un autre exemple phénoménal du thème de la mort est le gigantesque requin tigre immergé dans le formol, « The Physical Impossibility of Death in The Mind of Someone Living » (2007). Le spectateur se retrouve nez à nez avec ce requin énorme, éprouvant l’angoisse de mourir. Mais selon Hirst, la mort ne peut jamais vraiment exister dans l’esprit d’un être vivant. En réalité, vous ne pouvez « approcher » la mort que par le biais de l'art par exemple.

La confrontation à la mort est un thème ancestral si nous la plaçons dans une perspective historique artistique. « Memento mori » ou les « peintures Vanitas » rappellent aux hommes qu’ils vont mourir, qu’ils soient beaux, riches ou célèbres. La formule « Memento mori » (« Pensez que vous êtes mortel »), se retrouvait déjà sur les coupes romaines. Ainsi, toutes les natures mortes de Pieter Claesz (1596-1661) se référaient aussi à la mort et au caractère éphémère de la vie et du plaisir. L'œuvre d’Albrecht Dürer (1471-1528) est également remplie de références symboliques des longues et intenses réflexions de l’homme, que le temporaire et la fugacité laissent insatisfait, malgré les connaissances et la science.

En plus de la fascination pour la mort, Hirst semble aussi être transporté par la gloire et la richesse qu’il a atteint grâce à son art. Damien Hirst aime manipuler les médias et créer une espèce de mystification autour de son travail et de sa personne. Durant les interviews avec la presse, il donne souvent des réponses cryptiques ou pose au journaliste une question de retour déroutante. Il ne dévoile pas complètement son jeu et c'est justement ce qui rend les gens si curieux.

Damien Hirst n’est pas joignable par e-mail ; son site Web est depuis des mois déjà « en construction », malgré ses 5 postes de travail et 180 assistants. Après le Rijksmuseum, « For the Love of God » part en tournée mondiale affirment certains médias, mais le programme est en réalité introuvable. Les doutes et spéculations étranges concernant la vente exorbitante du crâne en diamants jouent également énormément sur la fantaisie des intéressés.

Les œuvres d’art de Hirst sont les plus chères de tous les temps pour un artiste encore en vie. Il est maître de la manipulation par l’art, le pouvoir et l’argent. Il a été jusqu’à gifler le marché de l’art mondial en organisant, entièrement en gestion propre et sans intervention d’aucun directeur de galerie, ses enchères personnelles chez Sotheby’s (septembre 2008). Du jamais vu à ce jour et c'est sans compter le bénéfice qui a surpassé toutes les prévisions : 140,30 millions d’euros.

La question de savoir si le travail de Damien Hirst est authentique ou une exagération bien mise en scène est justifiée. Est-ce un phénomène, une attention excessive et temporaire? C’est en tout cas un mécanisme, mis en oeuvre par une machinerie médiatique, qui se développe comme un phénomène très intéressant. "Un phénomène médiatique, comme celui autour de Damien Hirst, est un sujet de discussion. Ou devons-nous citer Damien Hirst dans le même souffle avec d'autres ‘hypes’ comme Big Brother ou Tamagotchi ?

‘For the Love of God’ c'est en fait tout ceci en même temps : une bonne provocation artistique - qui symbolise soit une vision optimiste de la vie soit un symbole pour le montant d'argent dépensé par l'humanité pour retarder la mort - et une brillante stratégie de manipulation. Et ainsi Hirst écrit l'histoire, qu'il le veuille ou non. Il est déjà mentionné dans des conférences d'histoire de l'art comme l’artiste vivant le plus cher au monde et semble donc avoir gagné sa propre immortalité...

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